Prévisions CMKZ mi-2023 en droit du commerce international

On 11 juillet 2023, Posted by , In Analyse internationale,

Available | Disponible : Anglais Espagnol

Canada | Travail forcé | Différends commerciaux | Chine | États-Unis | Union européenne | Sécurité nationale | Organisation mondiale du commerce | Fiscalité internationale | Conseils pratiques CMKZ

CMKZ remercie André-Philippe Ouellet et Bernard Colas pour la préparation de ce blogue de concert avec l’équipe.

La mi-année est l’occasion de mettre à jour les développements anticipés par CMKZ en 2023 susceptibles d’affecter les entreprises canadiennes ouvertes sur le monde.

Canada

Le plus grand événement à venir en matière commerciale pour le Canada sera la signature d’ici fin 2023 ou début 2024 d’un accord commercial « des premiers progrès » avec l’Inde qui porterait uniquement sur certains secteurs de l’économie dont les minéraux critiques, les technologies propres, les énergies renouvelables et l’intelligence artificielle. Ce premier accord devrait être suivi d’un accord global ainsi que des accords spécifiques en matière de service, p. e.x, l’ouverture de campus universitaires en Inde.

Le Canada a également entamé des discussions avec Taïwan dans la foulée de l’accord conclu entre l’île et les États-Unis. Les premières rondes de négociation devraient débuter d’ici fin 2023. Autrement, les autres négociations du Canada semblent faire du surplace. Les négociations avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est piétinent notamment en raison de la volonté du gouvernement canadien d’inclure des considérations liées au genre et aux normes minimales du travail. L’Australie et la Nouvelle-Zélande y sont toutefois parvenues en faisant certaines concessions, ce qui pourrait inspirer les négociateurs canadiens dans la poursuite des discussions.

Il en va de même pour les négociations avec le Royaume-Uni qui vient toutefois d’adhérer au Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).

Le gouvernement du Canada, dans le cadre de la loi C-47 sur la mise en œuvre du budget, propose d’élargir la portée des sanctions économiques pour y inclure un plus grand nombre d’entreprises contrôlées par des personnes désignées en élargissant la définition de « contrôle ». Le texte est en cours d’examen par le Sénat.

Et bonne nouvelle pour les entreprises actives au niveau international, le Canda vient d’adhérer à la Convention Apostille qui entrera en vigueur le 11 janvier 2024 ce qui facilitera grandement l’authentification de documents publics canadiens comme les documents corporatifs et d’exportation

Prévention du travail forcé

Les entreprises actives au Canada ou y important des biens auront un devoir de diligence accrue. En effet, dès le 1er janvier 2024, les entreprises rencontrant deux des trois critères suivants (20 millions$ d’avoirs, plus de 250 employés et/ou plus de 40 millions$ en revenus) auront des obligations de déclarations supplémentaires en lien avec le travail forcé et le travail des enfants dans leurs chaînes d’approvisionnement. La loi S-211 vise à faciliter la mise en œuvre des Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de la personne. Plusieurs autres pays occidentaux imposent des obligations similaires à leurs entreprises.

Différends commerciaux du Canada

Dans la deuxième moitié de 2023, le Canada sera à nouveau défendeur en lien avec la gestion des quotas laitiers octroyés à des étrangers. Le Canada croisera le fer avec les États-Unis qui ont amorcé de nouvelles consultations au titre de l’ACÉUM. Les États-Unis estiment qu’une récente décision en leur faveur n’a pas été correctement mise en œuvre. Le Canada devra également défendre la gestion de ses quotas lors du premier différend au titre du PTPGP initié par la Nouvelle-Zélande. Enfin, une éventuelle contestation de la loi sur la diffusion continue en ligne par les États-Unis n’est pas à exclure.

En outre, le Canada devrait s’engager dans deux différends avec le Mexique. Le premier a trait aux politiques mexicaines d’étatisation dans le domaine énergétique et minier, menaçant de nombreux investissements canadiens. Le second a trait à l’interdiction de l’utilisation de maïs OGM pour l’alimentation humaine par le Mexique. Le Canada n’exporte pas de maïs OGM, mais il s’est joint aux consultations initiées par les États-Unis afin d’éviter que le Mexique n’étende cette politique à d’autres denrées agricoles, p. ex. le canola.

Du côté de l’arbitrage investisseur-État, il sera intéressant de suivre le différend entre Keystone XL et le gouvernement américain. En effet, les États-Unis ont soulevé des exceptions à la compétence des arbitres, estimant que l’investissement de Keystone n’est pas couvert par la clause de temporisation (sunset) de l’ALÉNA/ACÉUM comme les États-Unis ont mis fin au projet après l’extinction de l’ALÉNA.

Chine

Les entreprises canadiennes actives en Chine devraient jouer de prudence, et d’autant plus si elles ont des activités aux États-Unis. En effet, la Chine a établi une liste des « Unreliable entities », y ayant pour l’heure inscrit deux compagnies américaines actives dans l’aérospatial et le secteur de la défense. La mesure est perçue comme une réponse à l’« Entity List » américaine. Certains observateurs chinois ont par ailleurs appelé à y inscrire toutes les entreprises occidentales qui se conformeraient aux sanctions américaines. Dans la même veine, la Chine pourrait mettre en place des restrictions à l’exportation de matériel électronique en riposte à des mesures semblables prises par les États-Unis.

Il sera également intéressant de suivre l’analyse des groupes spéciaux de l’OMC établis à la demande de l’Union européenne et mettant en cause le blocus commercial chinois à l’encontre de la Lituanie (ouverture d’une représentation taiwanaise) et de la protection de la propriété intellectuelle en Chine.

États-Unis

Du côté des États-Unis, il convient de rappeler que le Canada n’a pas obtenu d’exemption pour ses entreprises en vertu du « Buy America Act » (BAA). L’exigence de contenu américain pour les projets financés est de 100 % pour les matériaux de construction et de 55 % pour le reste. Les entreprises canadiennes peuvent toutefois se qualifier s’il est démontré que l’utilisation d’un produit américain entraînerait un surcoût d’au moins 25 %. Le Canada a également mis en place diverses mesures dans son récent budget pour appuyer les entreprises affectées. Du côté de l’« Inflation Reduction Act » (IRA), les constructeurs automobiles et de batteries canadiens devraient bénéficier de cette manne contrairement aux autres entreprises d’autres secteurs. Au titre de cette loi, les véhicules dont les batteries sont fabriquées à partir d’un certain pourcentage de minéraux critiques américains ou provenant d’un partenaire de libre-échange sont éligibles à des subventions. Le Japon a conclu un accord sectoriel et l’UE et le Royaume-Uni négocient avec les États-Unis.

Enfin, une décision de la Cour suprême américaine pourrait avoir des répercussions sur le Canada, la Cour ayant jugé que l’État de la Californie pouvait interdire la vente de porc « confiné de façon cruelle », pour des raisons environnementales et de bien-être animal. Cela peut être licite en droit américain, mais contrevient probablement au droit de l’OMC qui ne permet pas de prendre en compte la façon dont un bien a été produit. Le débat quant à la prise en compte des modes de production a cours depuis plusieurs années en lien avec la protection de l’environnement. Il sera intéressant de voir si ce motif de discrimination sera retenu en droit commercial international.

Union européenne               

L’UE vient de signer un accord de libre-échange avec la Nouvelle Zélande qui contient des engagements ambitieux en matière environnementale.

Le brevet unitaire vient de prendre effet le 1er juin 2023 dans les 17 États membres de l’UE qui participent à la coopération renforcée et qui ont ratifié l’Accord relatif à une juridiction unifiée du brevet. Il est à prévoir que d’autres États de l’UE vont ratifier cet Accord au cours des prochaines années, de sorte qu’à terme, ce brevet européen permettra d’obtenir une protection dans 25 États membres de l’UE par le biais du dépôt d’une seule demande auprès de l’Office européen des brevets.  Par ailleurs, l’UE a publié un projet de régulation qui faciliterait la mise en place de licences obligatoires en cas de crises (par exemple en lien avec le Covid). La régulation serait entre autres applicable aux brevets pharmaceutiques et aux brevets en cours d’examen.

Sur le plan des mesures anti-déforestation, les producteurs de bois canadien devront avoir à l’œil la nouvelle loi européenne en la matière comme ils auront des obligations de déclaration supplémentaires. Si le Canada est classé comme pays à risque élevé ou moyen, le fardeau pourrait s’avérer important. Le Canada n’a pas réussi à faire exclure les forêts boréales comme il avait réussi à le faire en lien avec des lois anti-déforestations adoptées par New York et la Californie. D’autres États comme la Malaisie et l’Indonésie ont déjà mis en place des mesures de rétorsion.

Le nouveau Règlement relatif aux subventions étrangères de l’UE entrera en vigueur en juillet, les entreprises étrangères actives dans l’UE et recevant des subventions pourraient donc se retrouver dans le viseur des autorités européennes. Il faudra aussi suivre le développement du « Green Deal Industrial Plan » qui se veut une réponse à l’IRA américain. Enfin, l’UE à l’instar des États-Unis et du Canada devrait interdire les équipements 5G de Huawei et d’autres compagnies présentant des risques en raison de liens avec des gouvernements étrangers.

Il est également à noter que le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières sera mis en œuvre à partir du 1er octobre et que les exportateurs de certains biens (p. ex. acier, aluminium, engrais, etc.) auront des obligations de déclaration pendant la période de transition, puis devront s’acquitter d’une taxe carbone. Il est fort probable que la Chine et d’autres États en développement contestent ce mécanisme à l’OMC. Le Canada pourrait en théorie bénéficier d’un accord de reconnaissance si son marché du carbone est jugé équivalent.

Sécurité nationale

Les débats entourant les exceptions de sécurité nationale dans les accords commerciaux se poursuivent. En effet, les États-Unis ne se conforment toujours pas aux critères d’invocation donnés par l’OMC. Il sera intéressant de lire le rapport du groupe spécial établi à la demande de la Russie à l’encontre des tarifs américains sur l’acier et l’aluminium. Il devrait s’agir du seul cas où l’OMC donne raison aux États-Unis dont les tarifs à l’encontre d’autres États ont déjà été jugés illicites.

L’interprétation donnée à cette exception est d’une importance capitale, la représentante américaine au commerce ayant récemment indiqué qu’une réinterprétation conforme à la vision américaine était essentielle pour que les États-Unis cessent de bloquer l’Organe d’appel. Les États-Unis devraient ainsi tenter de faire adopter une interprétation authentique par les membres de l’OMC, mais sans chance véritable de succès considérant l’opposition des autres membres face à une interprétation qui rendrait la conduite de relations commerciales fort imprévisible.

Organisation mondiale du commerce

La deuxième moitié de 2023 sera également l’occasion de certains progrès à l’OMC. D’abord, plus de 110 membres de l’OMC devraient arriver à finaliser un Accord sur la facilitation de l’investissement, les points litigieux ayant été mis de côté. Il y aura ensuite des progrès dans les négociations sur la pollution plastique auxquelles participent 75 membres représentant 75 % du commerce mondial. Ces membres devraient présenter un accord préliminaire d’ici février 2024. Les négociations sur le commerce numérique progressent également, l’objectif des 88 membres participant aux négociations étant de les terminer d’ici fin 2023. Il faudra également suivre les négociations sur les transmissions électroniques, les membres maintenant pour l’heure un moratoire sur les droits de douane. Ce moratoire est de plus en plus remis en question par les États en développement. Les membres devraient parvenir à un accord d’ici février 2024.

Les ratifications de l’Accord sur les subventions à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée progressent, le Canada et les États-Unis ayant notamment soumis leurs instruments de ratification. L’accord entrera en vigueur une fois que 2/3 des membres de l’OMC l’auront ratifié. La deuxième partie des négociations a également débuté, celles-ci devraient se dérouler rondement, car à défaut de parvenir à un accord définitif d’ici 4 ans, le premier accord prendra fin. Cette deuxième partie doit réglementer la pêche en général afin de protéger les stocks et poissons et assurer leur pérennité.

Deux nouveaux États, le Timor-Leste et les Comores devraient se joindre à l’OMC d’ici la prochaine conférence ministérielle début 2024. Le processus d’accession de l’Ouzbékistan continuera d’enregistrer des progrès, de même que celui d’autres pays dans la région, l’Azerbaïdjan ayant relancé les négociations et le Turkménistan ayant annoncé engager un processus d’accession.

Du côté du règlement des différends, les États-Unis continuent à bloquer l’Organe d’appel, mais le Japon a rejoint l’AMPA en raison d’un différend en cours avec la Chine.

Fiscalité internationale

L’OCDE a publié un guide technique afin de faciliter la mise en œuvre de l’impôt minimum effectif de 15% (le deuxième pilier de l’accord). La mise en œuvre de l’accord progresse, des pays comme la Corée et Royaume-Uni commenceront à l’appliquer dès 2023, alors que l’UE laisse à ses membres jusqu’à la fin de l’année afin d’inclure l’impôt dans leur droit interne et que d’autres États comme la Suisse l’ont adopté par référendum. Le Canada devrait annoncer son plan de mise en œuvre d’ici fin 2023.

Conseils pratiques CMKZ

Compte tenu de ces développements anticipés, les entreprises canadiennes auront avantage à :

  1. Suivre de près les négociations commerciales entre le Canada et l’Inde afin de profiter des occasions qui s’offriront à elles des suites de la conclusion de cet accord ;
  2. Faire preuve d’une prudence accrue au moment d’importer des intrants ou de vendre des produits en provenance de pays où se pratiquent le travail forcé et le travail des enfants ;
  3. Porter attention aux différends commerciaux dans lesquels le Canada est engagé, notamment en ce qui concerne les entreprises actives dans le secteur agricole et dans les secteurs miniers et de l’énergie ;
  4. Avoir à l’œil le développement de normes basées sur les procédés de fabrication aux États-Unis, notamment dans le secteur de la production de viande en raison de nouvelles lois sur le bien-être animal dans certains États américains ;
  5. Demeurer vigilantes si elles exercent des activités à la fois en Chine et aux États-Unis en raison de l’existence de l’« Entity List » américaine et de la liste des « Unreliable entities » chinoise, ainsi qu’en Russie ;
  6. Suivre le déroulement des programmes américains comme l’IRA et le BAA afin de voir si leurs produits ou services se qualifient et trouver des stratégies afin de profiter au maximum de cette manne financière ;
  7. Prendre avantage du brevet européen unitaire et porter attention aux développements en UE relatifs aux licences obligatoires applicables aux brevets pharmaceutiques  ;
  8. S’assurer que le bois qu’elles produisent et exportent en Europe n’est pas issu de la déforestation telle que définie par l’Union européenne ;
  9. Être préparées à assumer de nouvelles obligations de déclaration en lien avec la teneur carbone de certains produits exportés dans l’Union européenne comme l’acier, l’aluminium ou les engrais ;
  10. Vérifier que les subventions reçues, le cas échéant, ne soient pas en contravention avec les nouvelles règles européennes pour les entreprises actives dans ce marché ;
  11. Être prêtes au relèvement général de l’imposition corporative pour les entreprises n’étant pas déjà sujettes à un impôt corporatif de 15 %.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter Bernard Colas ou l’un de nos autres avocat(e)s de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

 

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