Prévisions CMKZ 2019 en droit du commerce international

On 9 février 2019, Posted by , In Analyse internationale,

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Pressions américaines | Organisation mondiale du commerce | Libre-échange | Brexit | Propriété intellectuelle | Évasion fiscale | Investissements | Droit privé

Ce début d’année est l’occasion pour faire le point sur les développements à anticiper en 2019 en droit du commerce international, susceptibles d’affecter les sociétés actives au niveau international.

Selon CMKZ, l’année 2019 sera très certainement dominée par les tensions provoquées par la politique commerciale américaine et par la volonté de pays comme le Canada de tenter de résoudre cette crise et de diversifier ses échanges commerciaux :

Pressions américaines

  1. La pression que les États-Unis exercent sur la Chine par l’imposition de tarifs douaniers sur les importations de produits chinois ou accusations notamment d’espionnage portées contre l’État chinois et certaines entreprises chinoises comme Huawei va se poursuivre. Malgré les sessions de négociations entre Chinois et Américains, il est peu probable que ces deux pays parviennent à conclure un accord global avant l’échéance de mars 2019, date de la fin du moratoire de 90 jours. Si un accord se conclue, il sera sommaire.
  2. Les États-Unis vont continuer à imposer des droits de douane de 10% et 25% sur les importations respectives d’aluminium et d’acier, y compris celles du Canada, jusqu’à une date qu’il est difficile de prévoir. Il est également possible que de telles mesures s’étendent aux importations d’automobiles et d’uranium sur la base des rapports que le Département du commerce américain devrait publier sur la sécurité nationale et les importations d’automobiles en février et sur les importations d’uranium en avril 2019. L’imposition de tels tarifs douaniers sur les importations d’automobiles donnerait lieu à un bras de fer avec le Japon, la Corée et l’Allemagne, grands exportateurs d’automobiles vers les États-Unis, et à une escalade de contre-mesures comme c’est toujours le cas dans ce genre de situations.
  3. Sans parler des sanctions commerciales que les Américains devraient intensifier contre des régimes comme la Russie, le Venezuela et surtout l’Iran. Toutefois pour sauver l’Accord sur le nucléaire iranien dénoncé par les Américains en 2018, Européens et Iraniens mettront en place cette année un mécanisme de compensation pour permettre le commerceà l’abri des sanctions dans les domaines de la santé et de l’agroalimentaire.

Organisation mondiale du commerce

  1. Enfin, les américains vont continuer à bloquer la nomination de juges à l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ce qui pourra avoir pour effet, si la situation n’est pas résolue, de l’empêcher d’entendre de nouveaux différends à partir de décembre 2019, date de fin de mandat de deux des trois derniers juges de l’Organe d’appel qui peuvent toutefois achever les dossiers en cours. Les États-Unis s’en prennent au rôle et fonctionnement de l’Organe d’appel ainsi qu’aux règles commerciales internationales qu’ils souhaitent notamment voir appliquer aux subventions aux entreprises d’État et au transfert forcé de technologies. Ils veulent aussi voir adopter une nouvelle façon d’accommoder les différents niveaux de développement et éviter que des pays comme la Chine et l’Inde ne bénéficient plus de la même flexibilité dans l’application des règles que celle applicable aux pays moins développés.
  2. Il faut savoir que le mécanisme de règlement des différends de l’OMC joue un rôle clé et sa popularité ne cesse d’augmenter. En 2018, 35 nouveaux conflits lui ont été soumis. D’autres devraient s’ajouter cette année en plus des différends en cours portant sur un large spectre de mesures comprenant l’imposition par les États-Unis de tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium et sur les mesures de représailles notamment du Canada, les droits anti-subvention des États-Unis contre le bois d’œuvre canadien, les restrictions du Qatar à l’importation de produits des Émirats arabes unis, etc. À noter également le volumineux et complexe litige en cours du Brésil contre le Canada sur les subventions fédérales et du Québec à Bombardier qui tiendra nos représentants canadiens passablement occupés cette année.
  3. Pour débloquer la crise qui ébranle l’OMC, le Canada par son ministre Jim Carr et son ambassadeur à Genève déploie une extraordinaire énergie. En 2019, le Canada va poursuivre son initiative lancée en octobre 2018 de réunir une vingtaine de ministres du commerce international de pays partageant les mêmes vues (like-minded countries) sur la réforme de l’OMC. Des réunions de suivi sont prévues se tenir en janvier puis en mai avant la réunion du G20 au Japon de juin 2019. Elles ont lieu en parallèle à d’autres initiatives prises pour réformer l’OMC et pour lancer le processus de nomination des juges de l’Organe d’appel. Fait encourageant, 76 pays, comprenant les États-Unis, l’Union européenne et le Japon, ont décidé en janvier 2019 de débuter la négociation d’un accord sur le commerce électronique.

Accords de libre-échange

  1. Au niveau régional, le Canada s’active avec les États-Unis et le Mexique à réviser les versions française, anglaise et espagnole de l’Accord Canada États-Unis Mexique (ACEUM ou USMCA) qui devraient être soumises à signature de ces pays d’ici peu puis à l’adoption des mesures de mise en œuvre et à la ratification par ces trois pays. Pendant les mois qui précéderont la ratification, le Mexique et le Canada feront pression sur les États-Unis pour la levée des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium et certains Démocrates qui dominent maintenant la Chambre des représentants appuieront cette levée et demanderont probablement la révision des dispositions sur les normes de travail et l’environnement. Quelle que soit l’issue de ces discussions, l’ACEUM devrait fort probablement entrer en vigueur d’ici la fin de l’année ou début 2020 et conséquemment remplacer l’ALÉNA.
  2. Le Canada met les bouchées doubles pour finaliser un accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) d’ici les prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019. Le Canada continuera de négocier des accords de libre-échange avec l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) comprenant 10 pays (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam), et avec l’Alliance du Pacifique composée de 4 pays avec lesquels le Canada a déjà conclu de tels accords (Chili, Colombie, Mexique et Pérou).
  3. Quant à Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) entré en vigueur le 30 décembre 2018 suite à la ratification du Canada, de l’Australie, du Japon, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande et de Singapour puis du Vietnam, il devrait bientôt être ratifié par les autres pays signataires (Brunei, Chili, Malaisie et Pérou). Après quoi, le défi sera d’intégrer des pays non-signataires qui ont demandé d’y adhérer, comprenant la Thaïlande, l’Indonésie, la Colombie, la Corée du Sud et Taïwan, ce qui donnerait à nos entreprises un accès privilégié à ce vaste marché.

Brexit

  1. Bien que l’Union européenne et le Royaume-Uni vont tout faire pour éviter un Brexit sans accord à la date fixée au 29 mars 2019, entreprises et états s’y préparent. Un tel scénario verrait apparaître de nombreuses restrictions aux échanges entre le Royaume Uni et les pays européens ainsi que les autres comme le Canada qui ont conclu avec l’Union européenne un accord de libre-échange auquel le Royaume-Uni ne ferait plus partie. Conscient des conséquences néfastes d’une telle situation, le Canada et le Royaume-Uni devraient tenter en toute hâte de conclure un accord de libre-échange qui prendrait le relais.

Propriété intellectuelle

  1. Dans la foulée des accords de libre-échange, plusieurs lois et règles canadiennes en matière de propriété intellectuelle devraient entrer en vigueur cette année afin notamment de mettre en œuvre une série de conventions internationales (Protocole de Madrid, Traité de Singapour et Arrangement de Nice, Arrangement de La Haye et Traité sur le droit des brevets) destinées à faciliter l’enregistrement international des marques de commerce, des dessins industriels et des brevets et de ratifier ces conventions.

Évasion fiscale

  1. Le Parlement canadien devrait adopter en 2019 la Loi mettant en œuvre une Convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices. L’entrée en vigueur de cette loi devrait amender les conventions fiscales de double imposition entre le Canada et les autres pays qui auront notifié à l’OCDE leur intention d’assujettir ces conventions fiscales à cet instrument international. Elle aura pour effet d’actualiser les règles fiscales internationales par l’application de standards minimums afin de prévenir l’utilisation abusive des conventions fiscales et de réduire les possibilités d’évasion fiscale par les entreprises multinationales et d’améliorer le règlement des différends.

Investissements

  1. Avec l’élimination du chapitre sur la protection des investissements entre le Canada et les États-Unis dans l’ACEUM, l’heure sera moins à la négociation de nouveaux accords sur la promotion et la protection des investissements mais plutôt au règlement des arbitrages en cours comprenant l’affaire Bilcon dont la décision attendue cette année devrait fixer l’indemnisation que le Canada doit verser à Bilcon pour avoir refusé, après une évaluation environnementale jugée discriminatoire, d’autoriser son projet industriel en Nouvelle-Écosse.
  2. A noter également les discussions en cours en vue de moderniser et de simplifier le Règlement du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) et de celles au sein de la Commission des Nations unies pour le droit du commerce international (CNUDCI), initiées par l’Union Européenne, sur la création d’un tribunal multilatéral permanent des investissements avec un mécanisme d’appel et des arbitres à plein temps. Le Canada y joue un rôle important mais n’a pas encore pris position.

Droit privé

  1. Enfin, deux importantes conférences diplomatiques sont prévues cette année :
    • l’une à la mi-2019, sous l’égide de la Conférence de La Haye de droit international privé, pour adopter une convention qui facilitera la reconnaissance et l’exécution des jugements en matière civile ou commerciale rendus par un tribunal d’un État contractant (État d’origine) dans un autre État contractant (État requis), et
    • l’autre en novembre 2019, sous l’égide d’UNIDROIT, pour adopter le quatrième Protocole à la Convention du Cap portant sur les questions spécifiques aux matériels d’équipement miniers, agricoles et de construction. Ce Protocole MAC est destiné à fournir un cadre juridique international pour le financement de ces équipements miniers, agricoles et de construction. Il s’ajoute aux protocoles aéronautique, ferroviaire et spatial.
  2. A sa réunion annuelle de juillet 2019, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) devrait adopter les textes suivants :
    • Guide pratique relatif à la Loi type de la CNUDCI sur les sûretés mobilières destiné à fournir des orientations pratiques aux parties à des opérations assorties de sûretés;
    • Dispositions législatives pour faciliter les procédures d’insolvabilité internationale visant des groupes d’entreprises et ainsi enrichir les articles existants de la Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale; et
    • Révision du Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé. Cette actualisation est notamment destinée à faciliter les partenariats public-privé.

Dans ce contexte, nos entreprises cette année :

  • devront composer avec les mesures protectionnistes et sanctions américaines et contre-mesures;
  • pourront prendre avantage des nouvelles opportunités que présentent l’entrée en vigueur du PTPGP et surveiller la mise en œuvre de l’ACEUM et les négociations avec le Mercosur, l’ANASE, l’Alliance du Pacifique et le Royaume-Uni;
  • seront amenés à revoir leur stratégie européenne vu l’arrivée du Brexit, peut-être même sans accord. Pour certaines d’entre elles, le Royaume-Uni ne pourra plus être leur porte d’entrée vers l’Europe;
  • se réjouiront de la possibilité d’étendre la portée territoriale de leur propriété intellectuelle à moindre coûts;
  • seront avisées d’agir avec prudence vu l’entrée en vigueur progressive de standards destinés à réduire les possibilités d’évasion fiscale;
  • pourront appuyer les négociations sur les différends relatifs aux investissements, la reconnaissance et l’exécution des jugements étrangers et le financement des équipements miniers, agricoles et de construction; et
  • auront avantage à tenir compte de ces développements dans la rédaction de leurs contrats internationaux particulièrement des clauses de juridiction, des sûretés et des partenariats public-privé.

Pour plus d’informations sur ces développements et sur l’impact potentiel qu’ils peuvent avoir sur vos activités, n’hésitez pas à contacter Bernard Colas ou l’un de nos autres avocats de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

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