Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC) et ALÉNA: impact sur les exportateurs canadiens de biens et services

On 10 février 2020, Posted by , In Analyse internationale,

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Le 10 décembre 2019, le Canada, le Mexique et les États-Unis ont convenu d’une révision du texte l’Accord États-Unis Mexique Canada (« ACEUM » ou « USMCA » en anglais) initialement conclu le 30 septembre 2018. L’accord a été ratifié par le Mexique en 2019 et par les États-Unis au début de 2020. La loi de mise en œuvre canadienne ayant été déposée à la Chambre des Communes à la fin de janvier 2020, la ratification de l’accord par le Canada devrait intervenir au cours de prochaines semaines. Celui-ci entrera en vigueur et remplacera l’Accord de libre-échange nord-américain (« ALÉNA ») trois mois après sa ratification par les trois parties.

Pour les exportateurs canadiens, ce nouvel accord met fin à l’incertitude quant à l’issue de la renégociation de l’ALÉNA et aux menaces de l’Administration américaine de sanctionner le Canada s’il ne se plie pas à ses demandes.

Pour en apprécier la portée, il convient d’identifier les différences que ce nouvel accord comporte par rapport à l’ALÉNA. Pour les fins de cet article, nous déclinerons ces différences sous les « quatre M » : Maintien de l’accès au marché, Modification et Modernisation de certaines dispositions et Menace à la compétitivité de l’Amérique du Nord.

Ainsi par rapport à l’ALÉNA, l’AEUMC :

  1. Maintien:
    • L’accès aux marchés américain et mexicain qui existaient sous l’ALÉNA pour le commerce des produits et des services et les règles correspondantes, avec un assouplissement des règles sur le Certificat d’origine;
    • Le mécanisme de révision par des groupes spéciaux binationaux des décisions relatives à l’imposition de droits compensateurs et antidumping, ce que le Canada refusait d’abandonner malgré l’insistance des États-Unis;
    • Les dispositions sur l’admission temporaire des gens d’affaires, ce qui facilite l’obtention de visas à la frontière des exportateurs canadiens et de leurs employés; et
    • L’exception culturelle qui permet au Canada de promouvoir et de protéger son industrie culturelle, y compris dans l’environnement numérique.

 

  1. Modification  des dispositions sur:
    • Les investissements, en supprimant l’arbitrage investisseurs-États entre le Canada et les États-Unis. L’arbitrage investisseurs-États de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (« APTGP ») s’appliquera entre le Canada et le Mexique. Seul le mécanisme de règlement des différends entre États s’appliquera en cas de violation des dispositions sur les investissements de l’AEUMC;
    • Les marchés publics: le Canada n’aura plus un accès préférentiel aux marchés publics américains et mexicains en vertu de l’AEUMC. L’accès aux marchés publics américains pour les entreprises canadiennes sera régi par les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce (« OMC »). Ce changement aura pour effet de relever les seuils monétaires des marchés publics auxquels les entreprises canadiennes auront accès. Les entreprises canadiennes auront accès aux marchés du gouvernement fédéral de produits et services de plus de 230,000$CA et de travaux de construction de plus de 9M$CA et aux marchés des États et corporations publiques de produits et services de plus de 640,000$CA et de travaux de construction de plus de 9M$CA. L’accès aux marchés publics mexicains sera régi par l’APTGP qui comporte les mêmes seuils que ceux de l’OMC;
    • La propriété intellectuelle en haussant la durée de protection des droits d’auteur de 50 à 70 ans après la mort pour les œuvres littéraires et artistiques, et de 70 à 75 ans pour les interprètes et enregistrements sonores. Les nouvelles dispositions prévoient l’imposition de dommages préétablis pour contrer la contrefaçon et le renforcement des contrôles à la frontière des produits contrefaits et piratés; et
    • Le commerce des produits agricoles: le Canada a accepté (i) d’augmenter les quotas de produits laitiers sans droits de douane à 3.6% du marché laitier, (ii) de permettre l’importation de quantités supplémentaire d’œufs et de volailles, (iii) d’ouvrir le marché canadien aux protéines de lait, lait en poudre et autres produits américains par l’élimination des classes 6 et 7, et (iv) d’appliquer le traitement national et des normes d’étiquetage à la bière, vin et spiritueux. Maigre consolation pour les canadiens, les américains ont accepté d’ouvrir leur marché au sucre, produits contenant du sucre et certains produits laitiers canadiens sous forme de contingents tarifaires.

 

  1. Modernisation en ajoutant des dispositions sur les nouveaux enjeux suivants:
    • Le commerce électronique en intégrant un chapitre complet qui s’inspire de l’APTGP et couvre une série d’éléments allant de la signature et des contrats électroniques à la limitation des restrictions sur la circulation des données personnelles et aux exigences de localisation des données;
    • Les achats sur Internet: les achats en ligne livrés par coursier commercial dont la valeur est inférieure à 150$CA pourront entrer au Canada sans droit de douane, et ceux dont la valeur est inférieure à 40$CA entreront sans taxes. Actuellement, seuls les achats en ligne dont la valeur est inférieure à 20$CA entrent au Canada sans droits de douane et de taxes. Ce seuil demeure inchangé pour les achats en ligne livrés par la poste;
    • Les fournisseurs de services Internet : ils devront transmettre des avis à leurs utilisateurs s’ils ont connaissance qu’ils violent la propriété intellectuelle d’un tiers;
    • Le règlement des différends entre les États parties à l’accord sera dorénavant facilité par des dispositions amendées à ce chapitre. Le processus ayant été dépolitisé, les groupes spéciaux ne seront plus soumis au bon vouloir des États et seront à présent automatiquement institués à la demande de l’un des trois partenaires;
    • L’emploi et l’environnement : de nouvelles dispositions (i) obligent les parties à respecter des traités internationaux et principes en la matière (ii) établissent une présomption à l’effet de laquelle la violation de normes environnementales ou du travaille nuisent au commerce et (iii) permettent à une partie de saisir le mécanisme de règlement des différends entre États en cas de non-respect de ces dispositions par une autre partie; et
    • Un mécanisme spécial a été institué en matière de main d’œuvre. Dorénavant, si une partie a des préoccupations quant au respect des droits des travailleurs (syndicalisation, liberté d’association, etc.), elle pourra demander la tenue d’enquêtes indépendantes au sein d’entreprises précises et imposer des sanctions en cas de manquement;
    • L’égalité des sexes, les peuples autochtones, les PME, la concurrence, la corruption et la manipulation des taux de change.

 

  1. Menace à la compétitivité:
    • La compétitivité de l’industrie nord-américaine de l’automobile en (i) rehaussant la valeur du contenu nord-américain des voitures à 75% (au lieu de 62.5%) et celle des pièces de base (e.g. moteurs, transmissions), (ii) imposant l’utilisation de 70% d’acier et d’aluminium nord-américains dans les voitures, l’acier jouissant d’une protection supplémentaire qui sera applicable 7 ans après l’entrée en vigueur de l’accord, tous les procédés (sauf l’affinage d’additif) liés à sa fabrication devant être réalisés dans les pays ACEUM et (iii) fixant la proportion en main d’œuvre selon laquelle 40 à 45% des activités de fabrication automobile doivent être réalisées par des travailleurs gagnant au moins 16$/heure;
    • Le commerce de l’acier et de l’aluminium en maintenant les droits de douane américains respectifs de 25% et de 10% bien que les parties conviennent de tenter de dénouer cette situation;
    • L’accès au marché américain par la possibilité pour les États-Unis d’imposer des droits de douane au motif de préserver la sécurité nationale (art. 232 de US Trade Expansion Act) bien que le Canada considère l’imposition de ces droits de douane comme contraire aux règles de l’ALÉNA et de l’OMC. Les États-Unis acceptent d’encadrer cette pratique en accordant au Canada une période d’exemption de 60 jours à compter de leur adoption. Dans le secteur automobile, les États-Unis ne pourront imposer ces droits que sur les importations américaines de véhicules provenant du Canada supérieures à 2.6 millions véhicules par an et de pièces automobiles excédant une valeur de 32.4 milliards $US par an, ce qui dépasse largement le nombre actuel de véhicules exportés du Canada vers les États-Unis;
    • La durée de l’AEUMC en prévoyant sa dissolution dans 16 ans à moins de sa prolongation pour une durée additionnelle de 16 ans à l’issue de l’un des examens officiels prévus tous les 6 ans; et
    • La possibilité pour une partie de conclure un accord de libre-échange avec un pays qu’une autre partie considère comme n’ayant pas le statut d’économie de marché (e.g. Chine), en imposant une obligation de notification et de consultation des autres parties de l’AEUMC et en prévoyant la possibilité aux deux autres parties d’exclure de l’AEUMC la partie qui aurait conclu un accord de libre-échange avec un tel pays.

En bref, ce nouvel accord n’améliore pas outre mesure l’accès des entreprises canadiennes aux marchés américain et mexicain par rapport à l’ALÉNA, mais il procure plus de certitude quant à l’issue des concessions que le Canada et le Mexique ont été contraints d’accorder dans le but de poursuivre leurs relations d’affaires avec leur plus important partenaire commercial. Étant donné le blocage actuel du système de règlement des différends à l’OMC, l’amélioration du système de règlement des différends sous l’ACÉUM assurera au Canada un moyen de faire respecter les engagements de ses partenaires nord-américains au titre de l’accord.

Compte tenu du contexte, les représentants canadiens à la table des négociations ont déployé une énergie hors du commun et réalisé un excellent travail pour défendre les intérêts des entreprises canadiennes, incluant les PME qui en sortent surtout gagnantes.

Pour plus d’informations sur l’AEUMC et sur l’impact potentiel que cet accord peut avoir sur vos activités et pratiques, n’hésitez pas à contacter Me Bernard Colas ou l’un de nos autres avocats de CMKZ spécialisés en droit du commerce international.

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